De Paris: Souheila BATTOU
Journaliste et cinéaste
Est-ce qu’Israël se risquera à commettre l’irréparable ? C’est, hélas, une éventualité à ne pas négliger.
On pose souvent des mots, mais parfois il faut prendre le large. Loin des plateaux, loin des discours. Il y a des moments où la fiction s’efface, où le cinéma cesse d’être une image projetée et devient présence réelle, corps exposé, souffle solidaire.
Sur le pont du Madleen, ce navire chargé de vivres, de médicaments, de courage, un homme murmure une vérité simple :
« Mon héros de Game of Thrones, c’est pas Jon Snow. C’est le gars qui prend un bateau rempli de vivres pour aller nourrir les assiégés. Aujourd’hui, c’est ce que je fais, sur le Madleen. »
Ce “gars” qu’on oublie trop souvent dans les récits épiques, c’est Ser Davos Seaworth, ancien contrebandier devenu chevalier. Un homme qui choisit d’agir, même sans épée, même sans trône. Son seul pouvoir : la fidélité, la décence, et un bateau chargé de vivres, envoyé à ceux qu’un siège affame. Ce n’est pas une légende médiévale : c’est un geste de survie. Un geste de résistance.
Aujourd’hui, à bord du Madleen, ce personnage trouve un double en chair et en conscience. Ce n’est plus un acteur, ce n’est plus une scène. C’est un être humain qui dit : « Je ne regarde plus. J’embarque. »
Tandis que les chancelleries s’éternisent, que les opinions s’érodent dans la fatigue et le cynisme, des civils embarquent vers Gaza. Avec pour seule arme : l’espoir. Avec pour seul drapeau : l’humanité. Ils savent le risque. Ils savent la disproportion. Ils savent que l’« irréparable » est possible, peut-être même probable.
Mais ils y vont.
Car il arrive un moment où rester à quai, c’est se trahir. Où le silence, fût-il prudent, devient complice. Où le cinéma qu’on aime ne suffit plus, s’il ne se prolonge pas dans les gestes.
Alors oui :
Quand le cinéma devient vie, il cesse d’être fiction.
Et quand un personnage oublié devient un modèle de courage, c’est que quelque chose de juste se lève, même au milieu de l’obscur.
Liam Cunningham a fêté ses 64 ans, le 2 juin, à bord du Madleen, en route pour Gaza. Un anniversaire pas comme les autres. Un choix délibéré, presque une déclaration : donner un sens à l’âge, à la vie, par l’engagement