De Paris: Souheila BATTOU
Journaliste et cinéaste
Rima Hassan, à 33 ans, porte sur ses épaules 75 ans de lutte palestinienne. Juriste et eurodéputée, elle donne un visage jeune, féminin et sérieux à la cause palestinienne. Ce changement de regard, où le Palestinien devient un acteur politique capable de raconter sa propre histoire, dérange profondément. Ce n’est pas seulement une remise en question politique, mais aussi une contestation d’un récit dominant, longtemps contrôlé.
Peu après le départ de la flottille Madleen vers Gaza, les grands médias occidentaux ont d’abord choisi le silence. Ensuite, les rédactions centrales ont diffusé une consigne claire : ridiculiser l’initiative en la comparant sans cesse à une vieille série télé, « La Croisière s’amuse ». Ce procédé vise à minimiser le poids symbolique et politique de la flottille, mais révèle surtout la peur qu’une parole libre, forte et transnationale suscite.
Les attaques contre Rima se sont multipliées dans toutes les sphères du pouvoir et de la société française. Arthur parle de « honte », Rachel Khan d’« imposture », le CRIF crie à « l’injure aux victimes », Aurore Bergé accuse de « fracture sociale ». Même l’imam Hassen Chalghoumi — figure façonnée pour incarner un islam conforme aux attentes des autorités françaises — a demandé sa « déchéance de nationalité » pour « apologie du terrorisme ». Ces réactions montrent que la parole de Rima touche au cœur des enjeux.
Ils pensaient avoir tourné la page avec le départ à la retraite de la brillante ambassadrice Leïla Shahid, et voilà que le flambeau est repris par une juriste jeune et déterminée, portant une nouvelle image de la Palestine, ancrée dans une parole à la fois fière et tournée vers l’avenir.
Née en Syrie, Rima défend aussi les réfugiés et revendique un lien fort avec l’Algérie, terre d’exil, de mémoire et de lutte contre la colonisation. L’Algérie, qui n’a jamais reconnu Israël et qui a toujours soutenu la cause palestinienne, est pour elle une source vivante d’inspiration. Elle part pour Alger comme on rentre chez soi, portée par les traces des combattantes algériennes telles que Djamila Bouhired et Djamila Boupacha, incarnant une parole fière et indomptable.
Et si elle trouve en l’Algérie une terre d’écho, l’Algérie voit en elle une promesse : celle d’une jeunesse arabe debout, cultivée, enracinée et libre, capable de porter haut la voix des peuples humiliés.
Rima incarne ainsi une Méditerranée debout, solidaire, décoloniale — une Méditerranée qui refuse d’être tolérée à la marge et exige d’être entendue, de Strasbourg à Alger.
« La vérité, c’est qu’on ne peut pas éteindre une voix qui refuse le silence, » disait Assia Djebbar.
La traversée du Madleen continue, fragile mais déterminée. L’armée israélienne pourrait intercepter le navire dans les 48 à 72 heures. Amnesty International dénonce ce possible blocage comme « injustifiable » face à l’urgence humanitaire.
L’heure est à la vigilance et à la mobilisation.
