Ahmed ABDELKRIM
Le Maroc vient d’exporter plus de 100 000 tonnes d’avocats au cours de la saison actuelle. Derrière ce chiffre, salué par certains comme une victoire économique, se cache une catastrophe écologique en gestation.
Alors que le Royaume traverse une crise hydrique profonde, avec des nappes phréatiques à des niveaux critiques et des régions entières menacées de désertification, l’avocat – l’un des fruits les plus gourmands en eau – continue de gagner du terrain dans les zones agricoles. Une absurdité environnementale qui illustre l’aveuglement d’une politique agricole dictée par une cupidité royale, non par les réalités locales.
Une culture qui pompe l’eau d’un pays assoiffé
Produire des avocats dans un pays au climat aride n’a rien d’innocent. C’est une culture prédatrice, qui exige jusqu’à 1000 litres d’eau par kilo de fruit. Dans certaines régions du Maroc, les agriculteurs puisent déjà à des profondeurs alarmantes, mettant en péril les réserves d’eau potable des populations locales. Le peuple marocain subit de plein fouet l’appât du gain du Makhzen qui n’a aucune limite, n’hésitant pas à assoiffer les villageois de toute les régions du royaume.
Les signaux d’alerte sont partout : assèchement des nappes, sols appauvris, tensions sur l’accès à l’eau pour les cultures vivrières... Mais la fuite en avant continue, portée par une logique purement exportatrice, où la priorité semble être donnée aux devises étrangères plutôt qu’à la souveraineté hydrique nationale.
L’illusion du succès économique
On parle de « performance » à l’export, notamment vers l’Espagne, l’Allemagne ou l’Italie. Mais à quel coût ? Dans un contexte mondial de surproduction, où les prix s’effondrent, le Maroc vend son eau à vil prix sous forme de caisses d’avocats, parfois en dessous de 9 euros les 4 kg : une incohérence économique et écologique.
Cette « réussite à l’export » est donc non seulement écologiquement désastreuse, mais économiquement injustifiée, exposée à la volatilité des marchés et aux caprices des distributeurs européens.
Une absence totale de régulation
Le plus inquiétant, c’est l’absence de garde-fous. Aucune politique publique sérieuse ne vient encadrer l’expansion de cette culture assoiffée. Aucun quota, aucune zone interdite à la culture, aucun contrôle des prélèvements d’eau.
Pire encore : l’implantation de nouvelles plantations se poursuit dans des régions déjà en situation de stress hydrique chronique, comme si de rien n’était. Les avertissements des experts sont ignorés, les rapports hydrologiques enterrés, les conséquences balayées d’un revers de main.
Vers une facture écologique ingérable
Ce modèle agricole basé sur l’exportation intensive et l’irresponsabilité écologique est une impasse. Si rien n’est fait, le Maroc risque de compromettre durablement sa sécurité hydrique, de sacrifier ses ressources naturelles pour des profits éphémères, et de creuser une dette écologique dont les générations futures devront payer le prix.
Le silence des autorités face à ce scandale est assourdissant. Faut-il attendre que les puits soient vides et les terres stériles pour réagir ? Le succès de l’avocat marocain n’est pas une fierté nationale, c’est un signal d’alarme retentissant.
Le contraste est glaçant. On interdit aux Marocains de sacrifier un mouton pour l’Aïd, sous prétexte de pénurie d’eau, de sécheresse ou de santé animale. Mais dans le même temps, on continue d’irriguer massivement des plantations d’avocats destinées à l’Europe, comme si le fruit valait plus que les traditions, la foi, ou la survie de la terre.
Cette hypocrisie écœurante révèle une vérité brutale : le Maroc d’aujourd’hui sacrifie la religion de son peuple et l’avenir de ses ressources naturelles sur l’autel d’un Makhzen obsédé par l’argent. La terre s’assèche, les puits se vident, les paysans s’appauvrissent – mais les containers d’avocats, eux, partent chaque jour pour l’Espagne, l’Allemagne ou l’Italie.
Si cette logique mortifère n’est pas stoppée net, le Royaume risque un effondrement écologique et social sans précédent. Un pays qui vend son eau pour quelques devises perdra bientôt bien plus que ses ressources : il perdra son âme.
*Source des données EastFruit, juin 2025